addanomadd

a d d a n o m a d d


Traduction française ci-dessous

 


The Time Machine


Sitting across from her at the Thanksgiving feast, or any time of year, to be honest, I am awestruck, mesmerized, by the sheer sturdiness of the human machine: driven, driving, determined, standing its ground. 

The daily bumps and bruises of her journey are evident, etched deep, nicks and scratches in the hull, accumulated by simply being, rolling on, refusing to hang back, bow out, cede her lane, though some would so easily, recklessly squeeze her out of the race, out of their lives, out of hers, out of life itself.  For all the miles covered, the wear and tear seems only to have frayed the edges. Her core, intact, hums mightily on.  

As I pass her the potatoes, I kind of can’t believe I’m sitting here comparing apples to oranges, such humdrum mechanics to the utter magnificence that is this absolute time machine, mistaken by some for a little old lady, by others for someone who owes them an explanation or an apology.  Where they see age, a duty or a burden, I see a goddamn testament to the ferocity of the human spirit, pure fire saying “No.” Just flat out refusing to go. Not yet. Not now.  

And here I slouch, slack-jawed in this merely fifty-ish old carapace – or rather, this sack of rattling bones my soul calls home (no matter which road I decide to drive it down) – a bit tired most days if I’m honest, and more and more finding cause to curse this fragile shell.  A sharp pain shoots up from my knee as it crashes clumsily into the underside of the table.  My ears start to buzz and block with nervous tension.  A kink starts to creep up my neck as I tilt my head in wonder.

Surveying the wreckage clamoring around me, I wonder if maybe we are all just nomads in the end, and only for just as long as we can manage to keep the engine running, lungs breathing, heart pumping, mouth chewing, one foot moving, then the other.  Steering the only way we know how, shifting gears on automatic, lurching awkwardly (or gliding gracefully) forward through time and space, sometimes we’re just thankful to be going anywhere at all.  

Later, standing in the doorway as we say our goodbyes, she shrugs off my clumsy hands, shrugs on her own coat and scarf, and slips a thin leather purse strap over her hundred-year old shoulder.  Suddenly gripping my arm in her still-strong fingers, she turns to stare me straight in the eye.

Faut jamais s’arrêter,” she says, matter-of-factly.  “Never stop. Or you might never be able to start back up again.”

Sounds like the god’s honest truth to me. 

 

 

~Lyn Thompson Lemaire




La machine

 

 

Assise en face d’elle au repas de Thanksgiving, comme à chaque fois que je la vois à vrai dire, je suis sidérée par la solidité de la machine humaine :  pilotée mais motrice, déterminée, obstinée.

Les coups et les bosses accumulés au quotidien sont visibles, bien gravés dans une coque rayée, usée, rien que par la vie de tous les jours, par cette volonté d’avancer, malgré tout, un refus de reculer, d’abandonner, de céder la voie, même devant ceux qui l’éjecteraient si facilement, si imprudemment, de la course, de leur vie, de sa vie à elle, de la vie tout court.  Après tous ces kilomètres parcourus, pour autant l’usure n’a l’air d’en avoir abîmé que les bords.  Au cœur, un noyau dur, intact, vrombit sans répit. 

En lui passant les pommes de terre, je me rends soudain compte de l’absurdité de mes réflexions, cette comparaison ridicule entre pommes et poires, entre une banalité mécanique et routinière et la splendeur absolue que représente cette machine à remonter le temps, prise par certains pour une petite vieille dame, par d’autres pour quelqu’un qui leur doit quelque chose, une explication, par exemple, ou des excuses. Là où ils ne voient que de la vieillesse, qu’un devoir ou un fardeau, moi, je vois un témoignage sans égal à la férocité de l’esprit humain, du pur feu crachant son “Non,” son refus de partir.  Pas encore.  Pas maintenant.

Et me voilà, languissante, bouche-bée dans cette carapace à peine quinquagénaire – ou bien, ce sac d’os râlants, ralentis, qui abrite mon âme (quelle que soit la route j’emprunte avec) – un peu fatiguée ces jours-ci pour être honnête, et de plus en plus ayant raison de maudire cette squelette fragile.  Une douleur lancinante irradie depuis mon genou au moment où il se heurte maladroitement contre le dessous de la table.  Mes oreilles bourdonnent et se bloquent sous une tension nerveuse.  Un torticolis naissant prend forme dans mon cou, dès que – émerveillée – je me penche doucement la tête.

En surveillant les dégâts fracassants autour de cette table de fête, je me demande si il se peut que nous ne soyons tous que des nomades en fin de compte, et ceci uniquement pour autant que nous arrivions à maintenir le rythme, à faire en sorte que le moteur continue à tourner, les poumons à respirer, le coeur à pomper, la bouche à mâchonner, un pied qui avance, puis l’autre.  Conduisant de la seule façon possible, changeant automatiquement de vitesse, faisant des bonds malhabiles (ou des glissades gracieuses) en avant à travers le temps et l’espace, parfois on est tout simplement content que ça bouge.

Plus tard dans l’entrée, lorsqu’on se dit au revoir, elle repousse mes tentatives maladroites à lui donner un coup de main, s’enfile elle-même son manteau et son écharpe, et renfile la fine sangle en cuir de son sac à main sur son épaule centenaire.  Tout à coup, ses doigts encore puissants me saisissent le bras, et elle se retourne pour me fixer droit dans les yeux.

Never stop,” dit-elle, sans façon. “Faut jamais s’arrêter.  Sinon, on ne sait jamais si on va pouvoir redémarrer.”

Et voilà ce qui s’appelle la vérité vraie.



~Lyn Thompson Lemaire

 

 

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